Suis-je mon cerveau ? | Albert Moukheiber,  docteur en neurosciences | Les idées larges | ARTE

Suis-je mon cerveau ? | Albert Moukheiber, docteur en neurosciences | Les idées larges | ARTE

Résumé Bref

Ce documentaire explore la "neuromanie", une tendance à sursimplifier et à surestimer le rôle du cerveau dans l'explication de nos comportements et des problèmes de société. Il met en garde contre les dérives de cette approche, qui peut conduire à négliger les facteurs sociaux, culturels et historiques.

  • Les neurosciences ont connu un essor important grâce aux progrès de l'imagerie cérébrale, mais il est crucial d'interpréter ces images avec prudence.
  • Réduire les comportements humains à des mécanismes cérébraux peut occulter l'importance du contexte social et historique.
  • L'utilisation des "nudges", basés sur les biais cognitifs, pour influencer les comportements individuels soulève des questions éthiques et démocratiques.

Introduction : La Neuromanie en Question [0:02]

Le documentaire introduit la notion de "neuromanie", une tendance à expliquer tous les aspects du comportement humain, des choix alimentaires à la pensée, par des mécanismes cérébraux. Albert Moukheiber, psychologue et docteur en neurosciences cognitives, alerte sur les dérives médiatiques et politiques de cette approche réductionniste. Il pose la question de savoir si les neurosciences peuvent réellement résoudre les problèmes de société ou si elles nous poussent à détruire la planète.

L'Essor des Neurosciences et l'Imagerie Cérébrale [1:02]

Le terme "neurosciences" est apparu aux États-Unis dans les années 1960, désignant un projet pluridisciplinaire d'étude du cerveau et du système nerveux. L'essor de cette discipline a été favorisé par les progrès de l'imagerie cérébrale, notamment l'IRM fonctionnelle. Les médias relaient souvent des expériences de laboratoire utilisant ces images, mais Albert Moukheiber met en garde contre une interprétation simpliste de ces images colorées du cerveau.

Réductionnisme et Holisme : Deux Approches de l'Esprit [3:50]

L'approche scientifique réductionniste, qui divise un phénomène en parties pour l'expliquer, s'oppose à l'approche holiste, qui l'étudie de manière globale. Les neurosciences ont permis de mieux comprendre les fonctions psychomotrices des différentes aires du cerveau, notamment grâce à l'observation des lésions cérébrales. Cependant, l'idée d'attribuer des fonctions spécifiques à des zones cérébrales, comme dans la phrénologie, est aujourd'hui remise en question. Le cerveau fonctionne plutôt en réseau, avec des aires cérébrales impliquées dans plusieurs fonctions.

Les Limites Techniques de l'Imagerie Cérébrale [6:17]

Albert Moukheiber explique que les images IRM sont des reconstructions basées sur des algorithmes de probabilité. La soustraction cognitive, utilisée pour isoler les zones d'activation liées à une tâche spécifique, peut être biaisée par les pensées et les émotions du sujet. De plus, les expériences en laboratoire, où les sujets sont allongés dans une machine bruyante, ne reflètent pas les conditions réelles de la vie quotidienne. Il y a un fossé important entre ce que l'on observe en laboratoire et ce qui se passe dans le cerveau dans un contexte réel.

Corrélation n'est pas Causalité [9:30]

Il est important de ne pas confondre la corrélation neuronale d'un comportement avec la cause de ce comportement. Par exemple, savoir que le cerveau libère de la dopamine quand on mange gras n'explique pas pourquoi certains mangent gras et d'autres pas, ou pourquoi on mange plus gras à certaines époques. Il faut prendre en compte la dimension sociale et historique de nos comportements. Nos émotions sont façonnées par l'histoire collective et les contextes socio-historiques.

Le Problème Difficile de la Conscience [12:17]

Albert Moukheiber souligne que les neurosciences ont du mal à appréhender l'expérience phénoménologique de l'amour, ce que l'on ressent réellement. Il évoque le "problème difficile de la conscience", qui concerne la difficulté de mesurer et de comprendre les expériences subjectives et personnalisées. On ne peut pas mesurer en IRM ce que ressent le héros de Proust en mangeant la madeleine de sa grand-mère.

La Société Néolibérale et la Neuromanie [14:19]

Le sociologue Alain Ehrenberg suggère que l'essor des neurosciences cognitives reflète une évolution de notre société, où l'on met l'accent sur l'individu autonome capable de s'améliorer grâce à la plasticité cérébrale. Albert Moukheiber rappelle que la plasticité cérébrale, la capacité des neurones à créer de nouvelles connexions, est une propriété basique du cerveau, mais qu'elle est souvent dévoyée et utilisée à des fins commerciales.

La Responsabilité Individuelle et les "Nudges" [16:23]

Dans un monde où l'on individualise les responsabilités, les neurosciences peuvent être utilisées pour invisibiliser les enjeux systémiques. Les "nudges", des dispositifs qui exploitent les biais cognitifs pour inciter les individus à adopter certains comportements, sont un exemple de cette approche. Si les nudges peuvent parfois être utiles, ils ne doivent pas servir à masquer les problèmes de société complexes, comme le changement climatique. Barbara Stiegler critique l'idéologie des biocognitifs, qui dévalorise la capacité de jugement politique des individus et justifie leur manipulation par les nudges.

Conclusion : Non, Je Ne Suis Pas Mon Cerveau [20:56]

Le documentaire conclut en soulignant que les mécanismes cérébraux ont une influence sur nos comportements, mais qu'il serait absurde de tout expliquer par le cerveau. Réduire les problèmes sociaux et politiques à des problèmes biologiques et individuels est une erreur. Il est crucial de prendre en compte le contexte social, culturel et historique pour comprendre nos comportements et résoudre les problèmes de société.

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Date: 10/3/2025 Source: www.youtube.com
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